« C’est un jardin » d’Hector Dexet

J’ai découvert ce livre cartonné à la bibliothèque ! Et bien, je dois dire qu’il m’a séduite… le graphisme est plaisant, les couleurs vives donnent un bon rythme, les espaces découpés se transforment astucieusement… C’est aussi rigolo et instructif de suivre la chenille qui devient papillon, de suivre les fourmis travailleuses ou encore d’observer les insectes qui butinent et terminent emprisonnés dans la toile d’araignée…

Et de quoi chanter l’inoubliable : « Le jardin extraordinaire » de Charles Trenet

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Le mieux c’est de le feuilleter pour s’en rendre compte…

J’ai regardé aussi les autres livres de cet auteur sur le site d’Amaterra  et ils sont tous aussi beaux ! De jolies idées de cadeau de naissance !

« C’est un jardin… » d’Hector Dexet, Editions Amaterra, 2015. 

« Le livre sans images » de B.J. Novak

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C’est une blague ! Un livre sans images pour les enfants ! Et bien celui-ci est à se tordre de rire et rencontre un succès fou auprès des enfants ! Regardez cette petite vidéo du livre lu par l’auteur pour vous en convaincre.

Ce livre peut aussi faire travailler l’imagination, on pourrait inventer bien d’autres histoires rigolotes à la manière de… pour plus de pistes, c’est ici

Je trouve la démarche très intéressante et le résultat rigolo ! Avec des élèves non lecteurs, ce livre offre de multiples possibilités d’exploitation.  A la maison, c’est un bel album qui fait devenir grand ! J’ai un livre comme maman et papa, sans images ! Quelle fierté !

L’Ecole des loisirs recommande ce livre pour des enfants de 7 à 10 ans, je trouve plutôt qu’il est destiné à un public plus jeune qui ne sait pas encore lire. J’ai l’impression que plusieurs blagues tombent un peu à plat si l’enfant est capable de lire avant ou en même temps que l’adulte. A vérifier !

« Le livre sans images » de B.J. Novak, Ecole des loisirs, 2015. 

Bilan de lecture 2015

Je vous souhaite à tous une bonne année 2016, ponctuée de lectures fascinantes, de découvertes magiques et de bonheur partagé !

Comme chaque année, je fais un petit bilan des livres lus tout au long de l’année. Une bonne soixantaine de romans ont fait mon bonheur en 2015. Je dois admettre que je lis quand même moins depuis que mes enfants occupent bien mon temps libre… Par contre, je ne compte pas le nombre d’albums jeunesse qu’ils m’ont fait découvrir ! De belles histoires pleines d’humour, des illustrations épatantes, des BD sans paroles (dont l’intégrale des « Petit Poilu » !), des livres pop-up, des imagiers interactifs ou surprenants… Bref, une panoplie de livres divers qu’ il faut absolument que je chronique en 2016 ! J’ai aussi adoré me plonger dans la lecture de romans jeunesse pour enfants sachant bien lire et adolescents, j’ai pu ainsi offrir de belles histoires à mes nièces et filleuls et leur conseiller quelques lectures intéressantes !

Petite liste de mes coups de coeur en 2015 :

La série la plus décapante : « La trilogie des Neshov » d’Anne B. Ragde, éditions 10/18, 2013.

La meilleure ambiance : « Amours  » de Leonor de Recondo, Sabine Wespieser éditeur, 2015.

Le meilleur premier roman : « Je me suis tue » de Mathieu Menegaux, Grasset, 2015.

Le plus historico-érotique : « Héloïse, ouille !  » de Jean Teulé, Julliard, 2015.

Le plus poignant : « Bilqiss » de Saphia Azzeddine, Stock, 2015.

Le meilleur suisse : « Monsieur K » de Marc Michel-Amadry, Editions Héloïse d’Ormesson, 2015.

Le plus lumineux : « Otages intimes » de Jeanne Benameur, Actes Sud, 2015.

Le plus déjanté : « Quand le diable sortit de la salle de bains » de Sophie Divry, Les éditions Noir sur Blanc, 2015. 

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« Là où naissent les nuages » d’Annelise Heurtier

Amélia, 16 ans, mène une existence tranquille à Paris. Ses parents sont beaux, riches et très occupés par leur carrière respective. Son père, médecin gastro-entérologue, et  sa mère, juge des affaires familiales, la choient et lui apportent beaucoup d’amour. Pourtant, la jeune fille se sent mal dans sa peau et compare son corps à ceux de Rubens. Elle vit une adolescence ingrate et compense son mal-être à coup de pâtisseries, biscuits et autres sucreries. Elle se déprécie d’autant plus qu’elle ne cesse de se comparer à ses parents, couple lumineux et brillant.

Un jour, sa mère reçoit une lettre de Mongolie. Plus jeune, celle-ci a travaillé dans une ONG pour aider les enfants des rues à Oulan-Bator. La famille décide de consacrer une partie des vacances pour cette cause humanitaire. Amélia n’est pas très enchantée et il lui faudra du temps pour accepter cette idée, d’autant plus qu’elle partira finalement seule en Mongolie; ses parents étant retenus par des obligations de travail.

Le changement est radical pour la jeune citadine. Elle découvre un pays aux grands espaces, mais aussi la pauvreté et le dénuement des enfants dans les rues. Très vite, elle n’aura plus le temps de penser à ses soucis d’adolescente parisienne et fera preuve d’empathie à l’égard des personnes qu’elle croise.

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J’ai aimé ce roman qui m’a fait voyager dans un pays qui me fait rêver depuis toujours et que j’espère visiter un jour… et même si je rêve de steppes immenses, pourquoi ne pas le visiter à la manière d’Amélia, au travers d’une ONG… Se rendre compte du désarroi d’une population et en particulier de ses enfants, contribue à relativiser nos soucis d’Occidentaux consommateurs. Ce message sera peut-être mieux compris par le biais de la lecture d’un livre comme celui-ci que par les remarques de parents désabusés…

Je trouve la couverture du livre très belle et le contraste entre Paris et la Mongolie bien imaginé…

« Là où naissent les nuages » d’Annelise Heurtier, Casterman, 2014. 

Un format poche est sorti ce printemps.

Ce livre a reçu le prix RTS Littérature Ados 2015.

« Juste avant l’oubli » d’Alice Zeniter

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Quand le conducteur arrêta le petit bateau, à l’endroit exact  où le jeune MacPhee avait accosté deux siècles et demi plus tôt, Franck sentit que son agitation confinait à la panique. Il fit dangereusement tanguer l’embarcation en se levant pour faire signe à Emilie qui l’attendait sur la plage. Il posa le pied sur la jetée de bois et le marin lui tendit ses sacs de voyage. Franck les prit sans penser à remercier, son attention tout entière tournée vers la mince silhouette d’Emilie, à quelques dizaines de mètres. Le bateau repartit aussitôt, dans le bruit sec et irritant du moteur.

En avançant sur l’embarcadère, Franck regarda sans réellement les voir les falaises disposées en cuvette autour de la plage de sable blanc et le petit escalier qui menait à leur sommet. La mer était calme. Protégée par la géographie du lieu, elle clapotait sous les pieds, d’un gris sombre qui tirait sur le vert. Franck aperçut du coin de l’oeil un grand homme roux assis près d’une rangée de barques rongées par le sel. Il lui tournait le dos et n’avait réagi ni à l’arrivée ni au départ du bateau. La présence sur l’ile d’un autre être humain le surprit, le choqua presque. La vie de l’homme roux lui parut d’une force étonnante, comme si elle exhalait ses effluves jusqu’à lui à la manière des parfums capiteux.

Ces quelques lignes présentent bien le livre d’Alice Zeniter. Le couple qui se retrouve sur cette île, Franck et Emilie, est à un tournant. Franck, infirmier, aimerait avoir un enfant avec Emilie. Celle-ci a choisi de se consacrer à une thèse. Leur venue sur cette île est liée à la passion d’Emilie pour Galwin Donnell, un écrivain célèbre de polar qui a vécu ces dernières années sur cette île austère de Mirhalay, dans les Hébrides. Tous les trois ans, les spécialistes de Galwin Donnell se retrouvent là-bas pour des Journées d’étude consacrées au maître. Cette année, c’est Emilie qui organise ce séjour tout en commençant sa thèse sur les figures féminines dans l’oeuvre de Donnell.

Le séjour est peuplé d’imprévus, le couple de Franck et Emilie prend une direction nouvelle, le mystérieux habitant de l’île cache des secrets, les universitaires rivalisent entre eux. Franck ne se sent pas à sa place au milieu de ces intellectuels et se lie rapidement avec le gardien taciturne de l’île, Jock. En apprendra-t-il plus sur les raisons mystérieuses et non résolues de la disparition de Galdwin Donnell ?

Alice Zeniter a également commencé une thèse sur les figures féminines d’un auteur, thèse qu’elle n’a jamais terminée mais qui ne se consacrait pas à Galwin Donnell car celui-ci est le fruit de son imagination. Vous pouvez bien chercher, les citations, la bibliographie, l’article Wikipedia, tout n’est que pure invention. J’ai apprécié l’écriture d’Alice Zeniter qui a su faire de cette histoire d’amour un polar « littéraire » passionnant. L’ambiance insulaire donne de la dimension à l’angoisse, à la solitude ou au déchirement.

Ce livre a reçu le prix Renaudot des lycéens le 13 novembre 2015.

« Juste avant l’Oubli » d’Alice Zeniter, Albin Michel Flammarion, 2015. 

« Paul à Québec » de Michel Rabagliati

C’est dans une émission radiophonique (il me semble que c’était « La librairie francophone ») que j’ai entendu parler de cette série (Paul à la campagne, Paul a un travail d’été, Paul dans le métro, Paul à la pêche…). J’ai tout de suite été séduite et je me suis vite procuré deux albums. Cet automne, un film tiré de la BD « Paul à Québec » est sorti au Canada…

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C’est l’histoire de Paul et de sa belle-famille, les Beaulieu. Son épouse, Lucie a deux soeurs, Monique et Suzanne qui aiment se retrouver en famille chez les parents Roland et Lisette. C’est toujours de joyeuses retrouvailles animées par les petits-enfants, enfants et grands-parents. Un matin en allant aux WC, Paul surprend son beau-père en train de s’habiller et remarque qu’il a comme un tatouage sur le bas-ventre. En rentrant, son épouse lui dit son étonnement de recevoir 1000$ de son père. Ce n’est que quelque temps plus tard que Lucie apprend par Suzanne que leur père a un cancer de la prostate et qu’il garde ça pour lui. Le tatouage et le gros billet prennent alors tout leur sens.

Cette BD raconte très justement les moments difficiles de la maladie à ses différentes étapes, elle n’épargne pas le lecteur avec les choix à faire en fin de vie. Chaque membre de la famille réagit différemment et la façon de vivre la mort de son grand-père par Rose est très touchante.

Une belle leçon de vie qui célèbre la manière de dire adieu à ceux qu’on aime… Un livre touchant et émouvant qui raconte simplement la vie.

C’est très amusant car je lis cette BD avec l’accent du Québec quand je lis dans ma tête mais je serais bien incapable de reproduire ces charmantes intonations à voix haute. Les expressions typiques aident aussi à se sentir au coeur du Québec et me rappellent un voyage lointain :

Tire la plogue, on le rebranchera demain !  »

Paul ? Viens-tu marcher avec nous autres ?

Te cherches-tu une jobine ? Livrer des commandes en bicycle, ça te tente-tu ?…

Je suis certaine qu’avec ces quelques exemples vous êtes déjà sous le charme des québécois… J’ai aussi lu « Paul au parc », le style est aussi sympa, par contre j’ai été moins attirée par le thème principal : le scoutisme…

« Paul à Québec » de Michel Rabagliati, La Pastèque, 2009.

« La moufle » conte traditionnel russe

Quoi de plus normal en ce premier jour de décembre que de vous présenter un conte qui parle de moufle ? Vous connaissez certainement ce conte en randonnée tiré d’un conte traditionnel russe. Il en existe de multiples versions avec des fins différentes. J’aime bien ce type d’histoires car elles permettent de capter l’attention des plus petits par leur caractère répétitif et énumératif. Nous lisons régulièrement deux versions assez différentes à la maison :

C’est l’histoire d’une moufle tombée sur le chemin. Une souris passe par là et trouve la cachette amusante. Elle est suivie par le lapin, le renard… combien pourront tenir au chaud dans la moufle ?

Dans l’édition de Didier Jeunesse, c’est le plus gros animal qui fait craquer la moufle. Les illustrations sont très belles et le texte est un régal de bruitages et de paroles mélodieuses à lire à voix haute.

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Vous pouvez même écouter l’histoire racontée par l’auteure : ici

Et entendre les enfants de « La tête dans les histoires » raconter l’histoire : ici

Dans l’album collectif de Fleurus, l’ours prend presque toute la place dans la moufle et c’est la minuscule fourmi qui fait craquer les coutures !

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« La moufle » de Florence Desnouveaux et Cécile Hudrisier, Didier Jeunesse, 2009.

« Merveilles de Noël », d’Annette Marnat, Marie Flusin et Sophie de Mullenheim,  Fleurus, 2014.

« Check-Point » de Jean-Christophe Rufin

Voilà encore un livre que je vous conseille de lire cet hiver ! Il est sorti ce printemps et je l’ai lu dans la foulée, par de chaudes journées de juin… Ce livre faisait partie de la première sélection du Prix des lecteurs de l’Hebdo. En fait, je l’avais commencé avant de savoir que j’avais la chance de faire partie du jury de ce prix littéraire. D’emblée, je dois avouer que je n’aurais jamais acheté ce livre à cause de son titre. Mais quelle erreur ! Je remercie la personne qui me l’a chaleureusement recommandé.

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Un convoi humanitaire composé d’une jeune femme et de quatre hommes part pour la Bosnie durant l’hiver 1995. Les deux camions vont apporter des vivres et des médicaments à Kakanj où la population s’est réfugié dans des mines. Très vite, l’entente peu cordiale entre les différents membres de l’équipage génère de grandes tensions qui mettent leurs nerfs à vif. Chacun a un caractère bien différent et il est difficile au départ de cerner la motivation de l’engagement de chacun.  Maud est la seule à avoir des aspirations idéalistes voire naïves, l’un ne pense qu’à fumer des joints, un autre observe les faits et gestes de chacun, deux membres se connaissent bien et semblent cacher quelque chose aux autres. On est loin de l’image de fraternité et de solidarité que peut dégager le terme « humanitaire ». Rapidement, le convoi va se séparer et on assistera à une course-poursuite entre les deux « équipes ». Mais pour quel enjeu ?

On se retrouve très vite dans un huis clos angoissant, confiné dans une cabine de 15 tonnes. L’atmosphère devient de plus en plus étouffante au fur et à mesure qu’une épaisse couche de neige recouvre le sol. La psychologie de chaque personnage est bien détaillée et tout au long du roman, on hésite à prendre partie pour l’une ou l’autre équipe. Un récit qui nous oblige à réfléchir au rôle de l’humanitaire dans les pays de guerre et aux réels besoins des populations touchées.  Un thriller psychologique efficace !

Un amie, lectrice régulière de Rufin, m’a dit avoir préféré « Rouge Brésil » et « L’ Abyssin », je vais donc naturellement les mettre en haut de ma pile de livres !

« Check-Point » de Jean-Christophe Rufin, Gallimard, 2015.

« La fille de l’hiver » d’Eowyn Ivey et « Esprit d’hiver » de Laura Kasischke

Ce matin, l’hiver était presque là… on peut enfin (!) sortir les doudounes, l’écharpe, le bonnet et les gants… Voilà pourquoi je vous propose deux lectures de saison : le mieux serait un décor hivernal.. manteau de neige, feu de cheminée et tasse de thé bouillant agrémentée de petits biscuits de Noël pour le premier et si vous êtes invité le jour de Noël et avez ainsi du temps, lisez le second ce matin-là !

Eowyn Ivey, journaliste, vit en Alaska avec sa famille.  « La fille de l’hiver » est son premier roman. L’histoire est inspirée d’un conte russe.

Au début du siècle dernier, Mabel et Jack s’installe en Alaska après la perte de leur enfant. Le climat est rude et le labeur quotidien dans les champs les épuise. Chacun est enfermé dans sa douleur et le couple peine à communiquer. Un jour, sous une neige abondante, Mabel et Jack se mettent à s’amuser comme des fous devant la maison et modèlent une petite fille de neige. Ils habillent la sculpture avec des vieux habits. Le lendemain, Jack découvre des traces de pas près la sculpture…

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C’est une libraire qui m’a conseillé cette lecture et je ne l’ai pas regretté… Si le récit oscille entre fantastique et mystère, « La fille de l’hiver » est une belle histoire à lire comme un conte pour adulte… A recommander à tous ceux qui ont gardé le goût des histoires de leur enfance et qui aiment les ambiances de glace…

« Esprit d’hiver » de Laura Kasischke a remporté le Grand prix des lectrices de ELLE en 2014. J’ai souvent été enchantée de lire le lauréat de ce prix des lectrices et si vous êtes en panne de lecture, jetez un oeil sur la liste des gagnants,  vous ne serez pas déçus autant par la catégorie policier que roman.

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Ce matin de Noël rien ne se passe comme d’habitude. Holly se réveille en retard, son mari, Eric,  a filé chercher ses parents à l’aéroport, sa fille, Tatiana est irritable et maussade. Le blizzard se lève et les invités se décommandent les uns après les autres à cause de la tempête de neige.

Ce matin-là, elle se réveilla tard et aussitôt elle sut: Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux.

Un suspense intense se dégage du début à la fin; le récit alterne les moments de cette matinée du 25 décembre et les souvenirs de Holly qui débutent treize ans plus tôt à l’orphelinat Pokrovka n°2. Tout au long de cette matinée, l’angoisse devient de plus en plus oppressante et il faut attendre les toutes dernières pages pour saisir l’intrigue. En aucun cas, ne lisez les dernières pages en avance !  Thriller psychologique étouffant…. et ébouriffant ! Décidément, j’aime beaucoup cette auteure et son écriture glaciale !

« La fille de l’hiver », d’Eowyn Ivey, 10/18, 2012.

« Esprit d’hiver », de Laura Kasischke, Le livre de Poche, 2014.

« Délivrances » de Toni Morrison

Ce n’est pas de ma faute. Donc vous ne pouvez pas vous en prendre à moi. La cause, ce n’est pas moi et je n’ai aucune idée de la façon dont c’est arrivé. Il n’a pas fallu plus d’une heure après qu’ils l’avaient tirée d’entre mes jambes pour se rendre compte que quelque chose n’allait pas. Vraiment pas. Elle m’a fait peur, tellement elle était noire. Noire comme la nuit, noire comme le Soudan. Moi, je suis claire de peau, avec de beaux cheveux, ce qu’on appelle une mulâtre au teint blond, et le père de Lula Ann aussi. Y a personne dans ma famille qui se rapproche de cette couleur. Ce que je peux imaginer de plus ressemblant, c’est le goudron; pourtant, ses cheveux ne vont pas avec sa peau. Ils sont bizarres : pas crépus, mais bouclés, comme chez ces tribus qui vivent toutes nues en Australie.

C’est ainsi que Sweetness décrit sa fille, Lula Ann Bridewell à sa naissance. Elle refusera de la toucher, lui demandera de ne pas l’appeler maman, mais Sweetness, pour ne pas rendre les gens perplexes. Son mari la soupçonne d’adultère et la quitte. Durant toute son enfance, Lula Ann cherchera à gagner l’affection et l’estime de sa mère. A huit ans, elle ira même jusqu’à apporter un faux témoignage lors du procès d’une institutrice soupçonnée d’attouchements sur des enfants pour attirer l’attention de sa mère.

J’ai jeté un coup d’oeil à Sweetness; elle souriait comme je ne l’avais jamais vue sourire auparavant : avec la bouche et avec les yeux. Et ce n’était pas tout. A l’extérieur du tribunal, toutes les mères m’ont souri, et deux m’ont réellement touchée et serrée dans leurs bras. Des pères levaient le pouce pour me féliciter. Le mieux, c’était Sweetness. Le temps qu’on descende les marches du tribunal, elle m’a tenue par la main… par la main. Elle n’avait jamais fait ça avant et ça m’a surprise autant que ça m’a fait plaisir parce que j’avais toujours su qu’elle n’aimait pas me toucher.

Devenue adulte, Lula Ann change de nom et se fait appeler Bride. Elle n’est plus la petite fille insultée dans la cour de récréation, la face de charbon méprisée.  Elle est devenue une jeune femme brillante et très belle, sur le point de lancer sa propre ligne de cosmétiques « Toi ma belle ». Mais derrière cette réussite sociale, Bride n’arrive pas à oublier cette culpabilité qui la ronge : avoir envoyé derrière les barreaux une femme innocente. Quand Sofia Huxley, l’institutrice qu’elle a accusée à tort sort de prison, elle veut à tout prix se faire pardonner. Le résultat n’est pas celui qu’elle attendait. De plus, son petit ami la quitte brutalement par un : « T’es pas la femme que je veux ».

Déstabilisée par ces événements, Bride part à la recherche de Booker, son petit ami qu’elle connaît finalement bien peu… Durant son périple, elle rencontrera une famille hippie, une jeune fille qu’elle prendra en affection et elle découvrira peu à peu les secrets de Booker.

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C’est le premier livre que je lis de cette grande écrivaine américaine, prix Nobel de littérature en 1993. J’ai aimé la manière dont elle a exploré les facettes de son personnage central Lula Ann Bride, petite fille, adulte, tour à tour racontée par sa mère, sa collègue… La couleur de peau reste un thème central et le racisme au sein de sa propre famille interroge le lecteur. L’enfance et plus particulièrement les abus liés à l’enfance sont bien représentés dans le récit : Rain, rejetée par sa mère prostituée, le frère de Booker tué par un pédophile, Lula Ann rejetée à cause de la trop grande noirceur de sa peau… Un livre qui parle d’injustice, qui dénonce la négligence et la maltraitance envers les enfants, qui dresse un état des lieux du racisme… un roman engagé qui ne se laisse pas oublier et qui fait réfléchir !

« Délivrances » de Toni Morrison, Christian Bourgois éditeur, 2015.