« Le sel de nos larmes » de Ruta Sepetys

Je n’avais encore jamais lu Ruta Sepetys mais après cette lecture,  je vais m’empresser de lire son célèbre roman « Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre ». C’est grâce à une libraire que j’ai choisi cette auteure car elle m’avait dit que je pouvais acheter n’importe quel livre d’elle les yeux fermés…

Avec « Le sel de nos larmes », nous entrons dans une partie méconnue (pour ma part) de la fin de la Deuxième Guerre mondiale et de ses catastrophes, comme ici le naufrage du Wilhelm Gustloff. J’ai d’ailleurs appris qu’Hitler a nommé ce navire ainsi en hommage à un militant nazi assassiné qui était activiste antisémite en Suisse.

L’Armée nazie doit se replier. Elle est poussée sur le front occidental par les Alliés et sur le front oriental par l’armée russe. De nombreux réfugiés sont sur les routes et tentent de rejoindre les côtes de la mer Baltique car le bruit court que l’armée allemande a préparé plusieurs navires gigantesques pour ses troupes et quelques civils valant la peine d’être rapatriés en Allemagne.

L’histoire, polyphonique, nous fait découvrir quatre personnages très différents.

Florian, d’origine prussienne, qui a fui après avoir réalisé qu’il aidait à piller des oeuvres volées en sa qualité de restaurateur d’oeuvres d’art. Il cache un secret.

Joana, jeune lituanienne de mère allemande, a obtenu l’autorisation d’être rapatriée en Allemagne. Elle officie comme infirmière et cherche à sauver tout le monde pour oublier qu’elle est vivante alors que sa famille a été décimée.

Emilia, jeune polonaise de 15 ans, a fui un massacre perpétré par les Russes dans son village. Elle a été violée et attend un enfant.

Alfred, marin travaillant sur le navire, n’a pas été retenu pour les jeunesses hitlériennes à cause de sa constitution. Il s’invente une vie et a constamment besoin d’être admiré. Il représente un peu la folie qu’Hitler incarnait à cette époque. C’est un personnage malsain et narcissique. Il écrit des lettres à une soi-disante bien-aimée, Hannelore. On découvre au fil du récit pourquoi son amour est vain.

Un peu plus de la moitié de ce gros roman se passe durant la fuite des réfugiés. Le rythme, assez lent, nous permet de faire connaissance avec la complexité des caractères des quatres protagonistes.  L’histoire s’accélère avec  l’embarquement et la rencontre des réfugiés et du jeune marin Alfred. Puis le roman monte en intensité avec le naufrage. Vient alors la lecture d’une centaine de pages étourdissantes.

Cette tragédie a fait six fois plus de victimes que le Titanic et reste pourtant méconnue car la majorité des victimes est allemande. Ruta Septeys a été inspirée par la cousine de son père qui a échappé au naufrage. La force de ce roman historique réside dans l’intensité des émotions exprimées et dans la diversité des points de vue.

« Le sel de nos larmes » de Ruta Sepetys, collection Scripto, Gallimard, 2016. 

« Chemins toxiques » de Louis Sachar

Tamaya et Marshall parcourent quotidiennement les 3 kilomètres qui séparent leurs maisons respectives de leur collège privé ensemble. Les deux adolescents aiment  l’école et sont appréciés de leurs camarades. Jusqu’à ce que l’arrivée d’un nouvel élève change la donne. Chad, bad-boy de l’école, prend pour cible de ses railleries le pauvre Marshall. Afin d’éviter une nouvelle confrontation, celui-ci propose à son amie Tamaya d’emprunter un raccourci pour rentrer chez eux en passant par la forêt. Malheureusement, les deux adolescents égarés sont retrouvés par Chad qui les a suivis dans la forêt. Pour s’en débarrasser, Tamaya jette une poignée de boue dans sa figure.

Peu après son retour à la maison, Tamaya développe un urticaire contagieux. Elle comprend avant tout le monde que cet urticaire est dangereux et est à mettre en rapport avec la boue. Elle se met alors  en tête de retrouver Chad qui a disparu et n’est pas rentré de leur « escapade » en forêt. Plus tard, c’est au tour de Marshall de disparaître. Mais quel rapport avec la boue ?

A une cinquantaine de kilomètres de l’école se trouve une ferme où un savant a développé la Biolène, une énergie propre. En fait, il s’agit d’une moisissure qui se développe dans la boue. En modifiant son ADN, il a créé un micro-organisme capable de remplacer le carburant traditionnel. Mais la substance subit une mutation et seules des températures proches du zéro permettent son éradication… Entre-temps, une véritable épidémie s’est déclarée et la région est mise en quarantaine.

Véritable thriller écologique, l’auteur alterne les passages narrant l’aventure des adolescents et les auditions secrètes de la Commission de l’énergie et de l’environnement. Cette succession de chapitres courts fait augmenter le suspense et multiplier les hypothèses. L’adversité permettra aux trois adolescents de tomber les masques et de mieux se comprendre.

« Chemins toxiques » de Louis Sachar, Gallimard Jeunesse, 2016. 

« Aussi loin que possible » d’Eric Pessan

C’est une histoire d’amitié entre deux adolescents, deux potes qui rigolent et passent de bons moments ensemble. Antoine et Tony partent comme tous les jours au collège. Ce matin-là, ils jettent leurs sacs dans un buisson puis s’élancent dans une course effrénée.

…c’était un jeu.

Une compétition entre nous deux.

On voulait savoir.

Lequel allait craquer en premier, lequel allait s’essoufler, lequel allait renoncer.

 

Mais leur course ne s’arrête pas, ils quittent le quartier, la banlieue, la ville. Ils continuent toujours, sans trop savoir pourquoi. Ce qui était au départ uniquement un jeu, un défi pour se mesurer l’un à l’autre, se transforme en véritable revendication.  Au fil de leur périple, Antoine, le narrateur, nous parle de leurs soucis. Pour Tony, c’est la crainte d’être expulsé avec sa famille vers l’Ukraine qu’il ne connaît pas, pour lui, ce sont les gifles de son père. Finalement, les deux adolescents courent durant une semaine après avoir parcouru 324 kilomètres… la presse les nommera les fugueurs marathoniens.

Ce court roman de 138 pages se lit d’une traite, sans perdre haleine, comme dans une course d’endurance. En lisant, on a vraiment l’impression de courir avec ces deux garçons. J’ai apprécié le changement qui s’opère au cours de leur périple : un simple jeu qui devient une cause sociale et qui se transforme en enjeu politique. Car finalement, c’est bien une analyse de la société que nous livre le narrateur en nous offrant son regard critique et ses réflexions pertinentes. Un roman d’apprentissage qui pose des questions essentielles et qui permettra d’ouvrir de belles discussions avec des adolescents.

« Aussi loin que possible » d’Eric Pessan, Ecole des Loisirs, collection Medium, 2015.