« Le Dragon du Muveran » de Marc Voltenauer

J’ai choisi de lire ce livre après avoir lu la critique d’Isabelle Falconnier dans l’Hebdo. Vite, il fallait me le procurer  : imaginez ! un polar (je suis une grande fan même si je n’en lis plus beaucoup), à la sauce nordique (j’adore les auteurs scandinaves et pas seulement ceux de  polars), qui se passe en Suisse (j’ai lu tous les livres de Martin Suter, dévoré toutes les enquêtes de Maria Machiavelli…). Tout était réuni pour que je lise ce roman au plus vite… et je dois avouer que j’ai dévoré ce pavé de 661 pages en à peine deux jours.

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L’intrigue commence le 7 septembre 2012 sur un alpage à Gryon.

L’homme qui n’était pas un meurtrier se tenait sur la terrasse de son chalet d’alpage. Seul. Personne dans les environs.

Chapitre 1 : Présentation d’Andreas Auer, inspecteur de police chargé de l’enquête. Il habite à Gryon depuis 6 mois après avoir quitté la ville de Lausanne. Il a acheté un chalet avec son compagnon Mikaël Achard, journaliste indépendant.

Chapitre 2 : Présentation d’Erica Ferraud, pasteure de Gryon. Elle écrit sa prédication pour le culte du dimanche et se rend au temple pour préparer le pain, le vin et la table de communion.

Sur la table de communion, un cadavre était allongé, nu. Les bras étendus étaient perpendiculaires au corps. Les jambes, attachées ensemble à l’aide d’une corde. C’était l’image du Christ crucifié. Un homme. La cinquantaine probablement. Un énorme couteau était planté dans son coeur. Autour de la plaie, du sang séché formait comme un réseau de ruisseaux du haut de la poitrine jusqu’à son sexe. Ses yeux avaient été enlevés. Les orbites ressemblaient à deux trous noirs. A l’extrémité du couteau, une cordelette avec un morceau de papier. Andreas le détacha, après avoir pris soin de mettre des gants en plastique. Il y lut les mots suivants :

« Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres! « 

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« Juste avant l’oubli » d’Alice Zeniter

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Quand le conducteur arrêta le petit bateau, à l’endroit exact  où le jeune MacPhee avait accosté deux siècles et demi plus tôt, Franck sentit que son agitation confinait à la panique. Il fit dangereusement tanguer l’embarcation en se levant pour faire signe à Emilie qui l’attendait sur la plage. Il posa le pied sur la jetée de bois et le marin lui tendit ses sacs de voyage. Franck les prit sans penser à remercier, son attention tout entière tournée vers la mince silhouette d’Emilie, à quelques dizaines de mètres. Le bateau repartit aussitôt, dans le bruit sec et irritant du moteur.

En avançant sur l’embarcadère, Franck regarda sans réellement les voir les falaises disposées en cuvette autour de la plage de sable blanc et le petit escalier qui menait à leur sommet. La mer était calme. Protégée par la géographie du lieu, elle clapotait sous les pieds, d’un gris sombre qui tirait sur le vert. Franck aperçut du coin de l’oeil un grand homme roux assis près d’une rangée de barques rongées par le sel. Il lui tournait le dos et n’avait réagi ni à l’arrivée ni au départ du bateau. La présence sur l’ile d’un autre être humain le surprit, le choqua presque. La vie de l’homme roux lui parut d’une force étonnante, comme si elle exhalait ses effluves jusqu’à lui à la manière des parfums capiteux.

Ces quelques lignes présentent bien le livre d’Alice Zeniter. Le couple qui se retrouve sur cette île, Franck et Emilie, est à un tournant. Franck, infirmier, aimerait avoir un enfant avec Emilie. Celle-ci a choisi de se consacrer à une thèse. Leur venue sur cette île est liée à la passion d’Emilie pour Galwin Donnell, un écrivain célèbre de polar qui a vécu ces dernières années sur cette île austère de Mirhalay, dans les Hébrides. Tous les trois ans, les spécialistes de Galwin Donnell se retrouvent là-bas pour des Journées d’étude consacrées au maître. Cette année, c’est Emilie qui organise ce séjour tout en commençant sa thèse sur les figures féminines dans l’oeuvre de Donnell.

Le séjour est peuplé d’imprévus, le couple de Franck et Emilie prend une direction nouvelle, le mystérieux habitant de l’île cache des secrets, les universitaires rivalisent entre eux. Franck ne se sent pas à sa place au milieu de ces intellectuels et se lie rapidement avec le gardien taciturne de l’île, Jock. En apprendra-t-il plus sur les raisons mystérieuses et non résolues de la disparition de Galdwin Donnell ?

Alice Zeniter a également commencé une thèse sur les figures féminines d’un auteur, thèse qu’elle n’a jamais terminée mais qui ne se consacrait pas à Galwin Donnell car celui-ci est le fruit de son imagination. Vous pouvez bien chercher, les citations, la bibliographie, l’article Wikipedia, tout n’est que pure invention. J’ai apprécié l’écriture d’Alice Zeniter qui a su faire de cette histoire d’amour un polar « littéraire » passionnant. L’ambiance insulaire donne de la dimension à l’angoisse, à la solitude ou au déchirement.

Ce livre a reçu le prix Renaudot des lycéens le 13 novembre 2015.

« Juste avant l’Oubli » d’Alice Zeniter, Albin Michel Flammarion, 2015.