« La septième fonction du langage » de Laurent Binet

Laurent Binet a choisi ici de réécrire l’Histoire à partir de la mort de Roland Barthes, célèbre sémiologue français. Il construit un roman très déjanté, un brin moqueur, drôle et particulièrement intelligent ! L’intelligentsia française des années 80 en prend pour son grade ! Mais comme le relève l’auteur dans « La grande librairie » :  « En France on a le droit de se moquer de Dieu, on peut bien se moquer de Philippe Sollers ».

Dans ce presque polar, un flic pas très commode, Jacques Bayard, enquête avec un assistant sémiologue de la fac de Vincennes, Simon Herzog. On assiste à une véritable traque à l’homme et au secret. Quelle est donc cette mystérieuse septième fonction du langage qui est l’arme absolue et qui permet de convaincre n’importe qui de n’importe quoi ?

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Sachant que Roland Barthes sortait d’un déjeuner avec François Mitterand, que celui-ci avait été très mauvais lors d’un débat télévisé contre Giscard, que les élections de 1981 approchent et  que Barthes détenait peut-être la septième fonction, l’intrigue prend tout son sens.

N’étant pas une grande connaisseuse des années 80 (à part les dessins animés de l’époque !), j’ai dû me mettre à jour pour situer les personnages les uns par rapport aux autres. Cela étant fait, j’ai dévoré ce roman qui ne manque pas de suspense et d’intérêt. J’ai toujours adoré les cours de linguistique et j’ai redécouvert cette matière avec joie. Je ne suis pas certaine que les non-initiés à la linguistique et à la sémiologie apprécieront de la même manière…Les définitions peuvent devenir lassantes… mais n’empêchent pas la lecture.

« La septième fonction du langage » de Laurent Binet, Grasset, 2015. 

« D’après une histoire vraie » de Delphine de Vigan

Après le grand succès de son dernier livre, l’auteure n’arrive pas à commencer un nouveau roman. En panne d’inspiration ? Epuisée par les séances de dédicace à travers toute la France ? Ecrire après un roman si intime que « Rien ne s’oppose à la nuit » ? Delphine ne se reconnaît plus le soir où elle refuse d’écrire une dédicace à une lectrice arrivée un peu en retard… Choquée par son comportement et très fatiguée, elle accepte de participer à une fête dans l’idée de se défouler toute la nuit en dansant…

 

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C’est ce soir-là qu’elle rencontre sur la piste de danse, L. qui va devenir sa meilleure amie, celle qui la comprendra le mieux, qui la soutiendra, qui devinera ses moindres désirs…

En l’espace de quelques mois, je crois que L. a réussi à avoir une vue d’ensemble assez juste de ma façon de vivre : mes priorités, le temps que je consacrais à chacun, la fragilité de mon sommeil. Si j’y réfléchis, L. s’est très vite positionnée comme une personne ressource : quelqu’un de fiable, d’une rare disponibilité, sur qui je pouvais compter. Quelqu’un qui s’inquiétait de moi, qui offrait son temps, comme aucune autre personne adulte de ma connaissance.

Inutile d’en dire plus… Les trois parties de ce roman, accompagnées d’une citation de « Misery » de Stephen King,  donnent le ton : Séduction, Dépression, Trahison. Les mécanismes psychologiques sont remarquablement bien décrits, on suit pas à pas la lente progression de cette « prise en otage » de l’auteure. Des réflexions sur l’inspiration, le processus d’écriture, le roman et le besoin d’histoires vraies des lecteurs… autant de thèmes qui transparaissent dans ce roman haletant ! A noter le petit clin d’oeil en fin de roman…

Avertissement : Thriller psychologique hautement addictif !

« D’après une histoire vraie » de Delphine de Vigan, JCLattès, 2015. 

« La terre qui penche » de Carole Martinez

Comme dans ses deux précédents livres  « Le coeur cousu » et « Du domaine des murmures », Carole Martinez revêt son habit de conteuse pour nous emmener dans un monde enchanteur  où la réalité côtoie le mystère et le merveilleux.

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Source : site de l’éditeur

Dans ce roman, on retrouve le domaine des Murmures avec Blanche dont on sait très rapidement qu’elle est morte à l’âge de douze ans en 1361. Roman à deux voix, son histoire est racontée tantôt par sa voix de petite fille tantôt par sa vieille âme qui s’ennuie dans sa tombe… La jeune fille, éprise de liberté,  est emmenée par son père dans la forêt pour un long voyage mais elle n’en connaît pas les raisons.

Je suis plus petite que je ne l’ai jamais été au château de mon père dont je connaissais chaque recoin et que je ne m’imaginais pas avoir à regretter un jour. Je voudrais m’enfuir dans une coquille de noix pour échapper à ce vertige que me donne le voyage, pour me sentir en place, bien calée entre les choses, emmaillotée comme un poupard. Je voudrais tout ce qui m’exaspérait, naguère. Si j’étais celle que je croyais être, je cracherais au visage de ces brutes et je m’enfuirais. Mais où irais-je ?

 

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